Côte d’Ivoire : quand des diplômés choisissent les champs plutôt que les carrières urbaines
Ils avaient des diplômes prestigieux et des perspectives prometteuses à Abidjan. Pourtant, ils ont décidé de quitter la ville et de revenir à leurs racines. À Bondoukou 2, dans la sous-préfecture d’Aboisso, et à Aboisso même, deux jeunes diplômés ivoiriens ont fait un choix audacieux : tourner le dos aux carrières urbaines pour se consacrer à l’agriculture. Dans leurs mains, l’ananas et le manioc deviennent les instruments d’une réussite nouvelle, mêlant dignité, autonomie et modernité.
Salomon Adjoka, du droit aux champs d’ananas
Ancien juriste installé à Abidjan, Salomon Adjoka menait une carrière prometteuse après l’obtention d’un master en droit privé. Mais en 2018, il a pris une décision radicale : retourner dans son village pour se lancer dans l’agriculture.
Aujourd’hui, il gère trois hectares d’ananas et emploie de jeunes du village. « Je voulais devenir mon propre patron et marcher dans les pas de mon père, qui cultivait l’ananas », explique-t-il. Grâce à la rigueur acquise lors de ses études, il gère ses plantations comme une véritable entreprise.
S’il reconnaît les défis liés aux prix élevés des intrants, au coût du matériel et à l’accès limité au crédit, il reste convaincu que l’avenir du pays dépend d’une agriculture modernisée portée par une jeunesse instruite.
Tuo Kafana, de la diplomatie au manioc
À Aboisso, le parcours de Tuo Kafana illustre la même volonté. Diplômé en anglais et en relations internationales, il semblait destiné à une carrière diplomatique ou dans les ONG. Après avoir collaboré avec des institutions internationales, il a choisi de se tourner vers l’agriculture, convaincu du potentiel du manioc.
Sur sept hectares, il supervise la production, forme des jeunes et s’implique activement dans la Plateforme des valeurs du manioc du Sud-Comoé. « Le manioc est une mine d’or. Pour un hectare, on peut récolter au moins sept bâchés, chacun vendu entre 250 000 et 300 000 FCFA », explique-t-il. Pour lui, revenir aux champs n’est pas un échec mais un choix de vision et de courage.
Une jeunesse en quête de sens et d’autonomie
Les parcours de Salomon Adjoka et Tuo Kafana reflètent une tendance croissante : celle de jeunes diplômés ivoiriens qui voient dans l’agriculture une voie de réussite et non de repli. Leur bagage académique leur permet de gérer leurs exploitations avec méthode, d’innover et de rechercher de nouveaux marchés.
Cependant, des défis persistent : financement insuffisant, infrastructures rurales limitées, accès à la terre et modernisation des outils. Malgré ces obstacles, ces diplômés devenus planteurs restent convaincus que l’avenir agricole du pays passera par l’énergie et la créativité des jeunes.
Bottes couvertes de boue mais regard tourné vers l’avenir, ils prouvent que l’agriculture ivoirienne peut être moderne, rentable et respectée. Leur choix symbolise une nouvelle vision : celle d’une jeunesse qui redéfinit la réussite non plus dans les bureaux de la capitale, mais dans les sillons fertiles des champs.